Le
facteur chill, qui te fait aimer un groupe quand tu ne devrais pas et qui te fait écouter des daubes à côté de ça.
Je
suis parfois coupable de télécharger des fichiers et de ne jamais
les lancer. Pourtant, un film de merde, je le regarde instantanément.
C'est toujours une impulsion, que je n'ai pas pour des oeuvres "importantes" que je me mets parfois à aimer très fort, sans prévenir. Aussi, j'achète des livres, et je ne
les lis pas pendant très longtemps.
Mais
la musique, c'est totalement différent. Parfois, je vois des
articles sur des groupes que je pourrais aimer, et je ne m'en occupe
pas. Je les mets dans une liste en pensant que je les oublierais
un jour. Je me dis : ce n'est pas pour moi, je n'ai pas envie de
m'identifier à tous ces gens là, il y a plein de choses à
découvrir à côté. Pourtant parfois, je pioche dans la liste. Et
c'est comme ça que j'ai écouté le dernier album de Grimes. Je ne
la connaissais pas avant, on en parlait trop à mon goût, et ce
n'est pas vraiment chill selon mes standards d'aimer ça. Et puis bon, quoi, il n'y a pas si longtemps je n'aimais pas trop Jeffrey Lewis,
parce qu'il était trop fait pour moi, quirky et émotif. Toujours
est-il qu'avant-hier j'ai acheté le dernier Jeffrey Lewis, et le
dernier Grimes, et tous les deux sont fantastiques de deux façons
différentes.
En
haut de la liste se trouve Radiohead, que je suis à la fois très
tenté d'aimer et de détester. Ce n'est pas du snobisme que de
dédaigner un groupe en ne sachant pas pourquoi, ça n'a aucun sens
ce genre de terme, il n'y a pas de gens snobs, ça n'existe pas dans
mon monde, il n'y a que des gens comme moi qui n'aiment pas un groupe
parce qu'ils n'ont pas envie d'aimer un groupe qui, au fond, est un
peu énervant. Ça ne fait pas de moi de l'avant-garde, ni de
l'arrière-garde, mais ça me met en marge, de la même façon que de
ne pas regarder Bref me met à l'écart d'une conversation.
Quand
j'aime un artiste, j'aime bien le comparer aux personnes que j'ai
connue au collège. Radiohead c'est un peu un camarade de classe avec
qui je n'ai pas envie d'échanger alors qu'on a été assis côte à
côte pendant deux trimestres. Et c'est bientôt la fin de l'année,
on ne s'est jamais parlé, puis je l'oublie. Et en ce moment, je me
rappelle de lui, je me souviens qu'il a existé, et je n'oublierais
jamais qu'il existe, parce qu'au lycée, une redoublante lesbienne
adorait Radiohead et je le sais, parce que je l'ai doucement stalkée
(je ne comprends plus mon analogie, c'est terminé, je pourrais dire
que U2 fait du Rugby ou que Genesis mange de la terre).
La
musique est à la fois quelque chose qu'on a pour soi et qui reflète
l'image qu'on veut donner aux autres. J'aime la musique pour ce
qu'elle est, mais je ne pourrais jamais totalement dissocier un
groupe de ce qu'il dégage, chilll ou unchill.
La
musique est un média beaucoup trop immédiat pour que je laisse une
chance à un musicien avant de sauter directement à un autre dès
que j'entends qu'ils ont un mauvais chanteur. Il y a des groupes qui
grimpent lentement vers toi, jusqu'à ce que tu les comprennes et que
tu les laisses éjaculer dans tes oreilles.
Le facteur chill, lui,
provoque tout d'un coup un amour pour un morceau qui est un peu
indéfinissable, uniquement selon l'image que se donne l'artiste et les trois premières secondes d'un morceau. Avec les mp3, on peut s'immerger immédiatement
dans la musique de quelqu'un. Je ne veux pas que toute la musique
soit comme ça, je ne veux pas que les films soient tous comme ça,
mais j'ai accepté que dès qu'un truc se dématérialise, il faut
que ça se passe immédiatement. Et mon attention, pour la musique,
selon les périodes, se dissipe extrêmement vite. Si c'est chill, j'écoute un peu plus attentivement. Pas assez chill, la tentation est forte de supprimer ce fichier que je n'ai échangé contre rien et qui n'a, du coup, aucune valeur.
Alors
j'essaie d'être exigeant, et de ne pas écouter trop de choses sans les écouter, sinon on ne s'en sort plus. Radiohead, à force, deviendra peut-être quelque chose d'important
pour moi. Il sera toujours là, au fond, et ça ne me gène pas de
découvrir le truc après coup, vu que c'est déjà un groupe
important. Mais c'est quoi un groupe important? Radiohead, The Cure,
Aphex Twin, Joy Division, ces trucs-là, c'est pas si facile de les
aimer, parce que ton père t'en parle parfois. Ton père a déjà eu
ton âge, tu sais. Maintenant il n'aime plus son travail.
Est-ce qu'il aurait fallu écouter Radiohead plus tôt que demain?
Est-il « trop tard » en général? Ai-je oublié de vivre?
C'est fini, Grimes?
Faut-il écouter ses parents?
Parle-t-on déjà trop du collège et de nos parents sur Chill & Relevant?
prochaine partie : familiarité, nouveauté, chillness, relevance
Ce blog tente vraiment de faire du HRO français (cf les images et les questions en fin d'article), et c'est plutôt réussi (ça change du style HRO).
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