It
seemed hard at first to fake depression, due to the amount of energy
involved. I could not do it for long. By the time I got comfortable
with it I found it necessary to allow this deception to extend into
my private life. I believed one or more stories of myself as
"pretending to be depressed" could have distanced me from
my chosen demographic.
C'est
le premier paragraphe d'un message posté par John Campbell fin
Septembre sur son Kickstarter, titré I've been pretending to be depressed for profit and I am sorry. C'est la première des mises à
jour de l'auteur de Pictures For Sad Children sur le sujet de la
dépression comme outil pour se faire un nom. C'est comme ça que ça
marche maintenant, internet, tu finances un projet, et l'auteur te
récompense avec une histoire sombre.
Même
si tous ces messages semblent être moqueurs et très détachés,
il y a quelque chose derrière tout ça. Ce n'est pas vraiment
important de savoir ce qu'il pense réellement : On n'a qu'à voir
toutes les réactions que ces messages ont reçu, la haine déferlée
sur l'auteur et les excuses à demi-mot de celui-ci. Ce genre
d'article sinistre (mais passionnant) provoque la discussion,
notamment via Tumblr, et l'auteur l'a alimentée régulièrement, en
postant par exemple une liste de collègues ayant fait semblant de souffrir de dépression. Sa propre compilation des réactions qu'il a collecté vaut à elle seule le détour.
Plus
tôt, en août, Jamie Stewart, leader du groupe de pop expérimentale
Xiu Xiu,
a demandé à ses fans sur son (sky)blog (souvent mis à jour avec des messages cryptiques et des annonces de nouveaux single) quelles raisons existaient pourcontinuer à vivre. Là, on pourrait dire qu'il fait l'attention
whore, plaisante, ou peut-être qu'il ne va vraiment pas bien, que
c'est très facile de publier ce genre d'articles sans y penser dans
des périodes un peu noires. Je ne sais pas, n'étant pas moi-même
dépressif, je ne peux pas prétendre comprendre ce genre d'actes. Le
message est torché, ridicule.
Quand
on est une personnalité publique, comme un musicien, on ne devrait
pas se laisser aller comme ça, on doit rester séduisant. Quelqu'un
de dépressif m'apparaît parfois comme un mur dans lequel j'ai envie
de trouver des brêches. Qu'est-ce qu'il ne va pas chez toi?
Qu'est-ce qu'il te fait dire des trucs comme ça ? Mais la
dépression... c'est séduisant. Ce n'est pas la folie, la déferlante
créatrice et sadique qui caractérise l'art brut et des types comme
Roky Erikson ou Daniel Johnston (ou Antonin Artaud). C'est plutôt un drone paralysant
qui plane autour de l'artiste qui trouve sa résolution temporaire
dans une oeuvre d'art extrême (???).
Ce que
je veux dire, c'est peut-être que ce n'est pas si dur d'écrire une
chanson triste, mais que c'est peut-être plus beau quand on est vraiment malheureux. Les chansons de Xiu Xiu, et tout particulièrement A Promise sont des appels à l'aide
conceptualisés, beaux et écrasants. C'est travaillé, c'est
compliqué parfois. Il y a évidemment un côté sale un peu attendu
dans ce genre de musique, qui rajoute une couche dans le désespoir.
J'avais parlé plus tôt dans l'année de Willis Earl Beal qui a
sorti un album qui ne vaudrait peut-être pas le coup si il n'y avait
pas une production en carton et une histoire derrière. Ça me fait
dire qu'il y a parfois mise en scène de la dépression, volontaire
ou pas. Ça reste attrayant.
Et
puis, comment peut-on mettre un packaging sur sa dépression ?
Comment est-ce qu'on transforme une maladie en disque ? C'est un peu
comme penser qu'un album sera bien meilleur en vinyl, c'est plus
sympa à écouter mais ça ne rend pas les chansons intrinsèquement
meilleures. C'est seulement un changement dans le rapport de
l'auditeur au disque. Un autre rapport à la création artistique
s'est installé, maintenant on ne privilégie plus l'histoire, mais
l'histoire de l'histoire, si l'artiste a eu un cancer avant, si il
l'a enregistrée avec un dictaphone dans une cave.
Pour
revenir à John Campbell, sa série d'article (sans conséquences) a
été montrée du doigt comme une tentative de dissimuler sa
dépression, ou comme une plaisanterie grossière cherchant à
provoquer des réactions ignorantes. La vague n'a pas réellement
dépassé Tumblr. Ce qui a le plus énervé, c'est sa mention d'une
"culture de la dépression" qui justifierait de l'art
fainéant. Même si c'est totalement faux, ça pose des bonnes
questions. Le fait qu'on néglige totalement ce qui est vraiment
sombre dans le culture mainstream en ne s'attachant qu'à la surface
des choses, alors qu'au fond tout est sombre, sauf à la télévision
et sur 9gag.
Ce n'est pas tout neuf de dire que les artistes les plus troublants sont mélancoliques, je vais pas vous faire un dessin. La noirceur doit jouer un rôle dans
tout ce qui est réellement sincère dans l'esprit de beaucoup de personnes. C'est ce dont John Campbell se
moque, peut-être. C'est une provocation large, grossière, qui
provoque des réactions simiesques. Il a eu raison, je crois.
Ses comics fantastiques donnent toujours à penser en tout cas. C'est, en général, des situations absurdes et sombres, qui se résolvent de façon encore plus grave. Les bonhommes batons avec des grosses têtes, complètements désemparés face au destin monstrueux qui les attend, pleurent ou ne réagissent pas. Bizarrement, c'est toujours très drôle, des gags très bien formés, hautement conceptualisés, qui amènent le lecteur dans un monde très noir où rien n'est jamais gratuit, des soirées empoisonnées au mec qui te fait un doigt d'honneur au concert de harsch noise. Certains peuvent se poser la question en lisant ça : "mais l'auteur, il va bien ?"
John Campbell a certainement eu raison en écrivant ses articles, il voulait peut-être sans y penser dégoûter tous les gens susceptibles. Il a peut-être gagné. Peut-être que ses comics seront moins rebloggés maintenant, peut-être qu'il obtiendra un statut d'auteur culte. J'en sais rien, je suis pas dépressif, mais bon, il le mérite certainement.
John Campbell a certainement eu raison en écrivant ses articles, il voulait peut-être sans y penser dégoûter tous les gens susceptibles. Il a peut-être gagné. Peut-être que ses comics seront moins rebloggés maintenant, peut-être qu'il obtiendra un statut d'auteur culte. J'en sais rien, je suis pas dépressif, mais bon, il le mérite certainement.
Vous pouvez lire les archives de Pictures for Sad Children (si vous voulez) :
La première partie, une histoire longue
La seconde partie, des histoires courtes
La première partie, une histoire longue
La seconde partie, des histoires courtes
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