C'est un album avec une bonne
histoire. Acousmatic Sorcery est une compilations de chansons
enregistrées sur un 4-pistes par Willis Earl Beal, "songwriter".
Lofi semble un terme assez pratique
pour en parler, et j'ai eu peur pendant un moment de ne trouver que
ça à dire. J'adore Daniel Johnston, Sebadoh et R. Stevie Moore, et
Willis Earl Beal aurait pu être un mec sonnant à ma porte avec un
énorme bouquet de fleurs ayant traîné par terre pour paraître
authentique. Je ne pense pas que ce soit vraiment la peine que je retrace tout le parcours du mec, cet article le fait très bien si ça vous intéresse. Suis-je juste coupable d'aimer un disque parce qu'il a
une histoire? On s'en fout un peu non? D'autant que, cet album, je
l'ai découvert sur un imageboard sans beaucoup de description,
alors, ma première écoute, comme beaucoup de mes premières
écoutes, a été sans histoire.
Mais là, ça me semble assez
important à préciser : il n'est pas un précurseur. Il a le
privilège de jouer avec les codes, de pouvoir tromper le public
cible afin de toucher les étoiles. Mais là, il n'invente pas grand
chose, et le facteur originalité s'en va un peu. Depuis Lana Del Rey
et Wu Lyf, je me méfie un peu des artistes à moitié mystérieux.
Je n'ai pas trop envie de m'emballer, et de commencer à aimer quelque
chose jusqu'au moment où tout le monde autour de moi l'aime, puis que
quelqu'un arrive et, mécaniquement, me dise tout ce qui ne va pas
avec cet album. Je pense de moins en moins qu'il obtiendra vraiment
beaucoup de succès, mais il a quand même un peu ce genre de profil.
Enfin. Critique :
Acousmatic Sorcery sonne un peu cassé. Je suis assez habitué au son crado des cassettes, ce
n'est plus « spécial » ou original. Alors, il reste les
chansons, et j'aime bien ce que j'entends.
L'album débute dissonnant,
déroutant. J'avais peur qu'on se moque de moi. Après, j'ai
l'impression d'écouter Robert Johnson. Après, j'ai l'impression
d'écouter Sebadoh. Après, je me rends compte qu'il est assez
unique. Quand il rappe, ce n'est pas si mauvais pour moi, mais je ne
m'y connais pas tellement en flow, j'ai lu des articles où des gens
s'en moquaient, alors je le précise, au cas où. Evening's kiss est
très belle, très simple, un peu Elliott Smith-y, pourtant je ne
peux pas m'empêcher de trouver ça un peu répetitif. La mélodie
reste dans ma tête, me fait sentir plutôt bien. C'est une des
meilleures chansons de l'album pour moi, la plus conventionnelle
aussi.
Je me perds un peu dans les paroles,
avec des bouts de phrases poétiques bizarrement découpées, où je
peux me raccrocher, qui me font sentir à ma place dans la tête de
Willis Earl Beal. Et c'est là que je me dis que la qualité des
enregistrements joue vraiment en sa faveur de l'artiste. Je ne
m'attends pas à un superbe album studio de sa part, je ne le vois
pas écrire 1990 ou Bakesale, mais je ne sais pas ce qui arrivera
plus tard non plus(1).
Par contre, cet album perd de sa
saveur au fil du temps. Il s'émousse. Maintenant, je ne l'écoute
plus vraiment. Mais je sais que, la première fois, cette musique a
pas mal marché sur moi. Acousmatic Society ne peut pas durer. Je ne
me raccroche plus à rien maintenant. Tout me semble trop creux, trop
parfaitement atonal, même si certaines chansons sortent du lot
(trois chansons, à la fin de l'album, me font presque revoir mon
jugement : Monotony, The Masquerade et My Resignation brillent et
s'enchaînent de façon assez incroyable). Alors, maintenant, je
voudrais bien voir ce qu'il va se passer après. Parce que pour
l'instant, c'est une compilation, plutôt décousue, avec des hauts
et des bas, et peut-être pas un « vrai » album. Et il y
a, pour moi, un potentiel : des mélodies parfois intéressantes, une esthétique plutôt chill parce qu'un peu fausse,
et une voix que j'aime vraiment beaucoup (cette vidéo, où
on le voit, devant un mur, chanter d'une façon qui semble au bout de ses capacités est plutôt
fascinante).
Mais il me reste un gros doute : est-ce que cet album, au final, est un peu... chiant?
En fait, après avoir aimé puis été
déçu par mon impossibilité de retrouver ce que j'ai ressenti la
première fois, j'ai surtout très très envie d'écouter Fugazi.
(1) Si on l'accompagnait
d'instruments bien accordés, les chansons perdraient beaucoup de
saveur, et ce n'est pas quelque chose que je peux dire de Daniel
Johnston ou Sebadoh. Je ne sais pas si c'est une opinion de gros con,
c'est pour ça que je la mets en note.